Le harcèlement moral est un phénomène abondamment évoqué tant dans les médias que devant les tribunaux, et qui fait l’objet de nombreuses études sur son impact économique ainsi que sur les conséquences en termes de relations sociales.
Les cas très médiatisés il y a quelques années des sociétés Orange et Renault, où des salariés ont commis des actes ultimes de désespoir, ont contribué à la prise de conscience du public sur le sujet.
Le harcèlement est un terme générique qui englobe plusieurs types de harcèlement, moral, physique, sexuel. Les pratiques de harcèlement moral le plus souvent évoquées dans les médias concernent l’augmentation de la pression pesant sur les collaborateurs.
Ces agressions psychosociales posent la question du type d’autorité exercée en entreprise; la question posée est de savoir à quelles conditions l’autorité de quelqu’un est légitime et sur quels fondements elle est légitimée.
La prise de conscience du problème a amené le législateur à introduire dans le droit positif une loi (2002-73 du 17 janvier 2002) réprimant tout harcèlement. La cour de cassation a élargi le spectre des éléments constitutifs du harcèlement moral. En effet, elle ne retient plus uniquement l’intention délibérée de nuire ; elle institue une responsabilité sans faute. Une méthode de gestion ou une organisation mises en place peuvent caractériser à elles seules un harcèlement moral (arrêt de la cour de cassation, chambre sociale, du 10 novembre 2009, N° 07-45321).
Le manque de vision de son rôle et de sa responsabilité amène le management à une complicité dans le harcèlement moral qui peut revêtir plusieurs formes : sadisme latent, manipulation, corruption, peur, désir de tranquillité, incompétence, …
La cour d’appel de Versailles a ainsi motivé sa décision dans l’affaire du Techno-centre de Renault : « La passivité du management : malgré des signes évidents d’une souffrance ressentie par le salarié sur son lieu de travail, la société Renault n’a pas pris conscience de la gravité de la situation. Cette indifférence apparait comme la conséquence du refus manifesté pendant longtemps à toute mise en place au sein de l’entreprise d’un système d’évaluation des risques psycho-sociaux »
La cour d’appel de Versailles a énuméré plusieurs points noirs au sein de la société : « absence de tout dispositif pour mesurer la charge de travail, absence de visibilité des managers sur le poids des tâches assurées par leurs collaborateurs, culture du sur-engagement, augmentation des objectifs, nocivité de l’organisation du travail, défaillance de la chaine de commandement ».
Le manager se trouve ainsi en première ligne en qualité de délégataire du pouvoir de direction de son employeur. Il est complice, de façon active ou passive. Il a une responsabilité civile et pénale en cas de harcèlement moral, responsabilité qui peut être sanctionnée devant le tribunal civil et correctionnel.
Le management est porteur d’une responsabilité effective. Tout collaborateur est en droit d’attendre de sa hiérarchie un soutien et une assistance, mais aussi une protection. Quand celle-ci n’intervient pas ou qu’elle cautionne le harcèlement, c’est un choc supplémentaire pour la victime qui se sent très démunie.
Le rôle du manager ne consiste plus seulement à fédérer ses collaborateurs pour atteindre les objectifs, mais également à veiller à leur bien-être psychologique et à prévenir tout risque psychosocial.
Et si cela devenait un objectif pour le manager ? Un peu de « qualitatif » dans un monde où le « quantitatif » reste dominant !
Christian Bourgeos – Avocat au barreau de Paris