Le sujet de l’influence et de la manipulation est souvent évoqué dans nos formations managériales. S’en suivent souvent des échanges passionnés… L’influence, lorsqu’elle est employée à bon escient, est un véritable levier managérial qui permet de faire grandir, de mobiliser, d’engager et même d’inspirer l’équipe. Nous disons alors que nous sommes en « zone verte ». En revanche, mal employée, avec une intention « zone rouge », elle bascule dans la manipulation qui met à mal la confiance, voire crée de la méfiance ou de la défiance. Ça peut aller jusqu’à créer du désengagement et parfois même un climat toxique dans l’équipe.
Alors comment s’y retrouver ? Comment faire la différence entre les deux ? Comment, en tant que manager, exercer l’influence qui est dans son rôle, sans basculer « du côté obscur de la force » ?
Un parent influence son enfant afin qu’il donne le meilleur de lui-même dans ses études. Il l’aide à trouver sa voie en fonction de ses aptitudes, de ses aspirations. L’objectif est qu’il soit heureux dans sa vie. C’est avec éthique que le parent inspire son enfant, l’influence pour embellir son avenir.
Le manager se doit d’être dans le même état d’esprit, la même intention en incarnant la confiance, en étant modélisant lui-même dans ses comportements. Le manager qui influence propose une cohérence entre son discours et ses actes qui assoit sa légitimité. Le collaborateur, en confiance, va l’écouter car il sait que le manager se positionne pour l’aider à grandir, à se développer. Ils partagent des valeurs communes et sont alignés sur la vision de leur métier.
Le manager peut orienter, faire réfléchir ses collaborateurs en leur posant par exemple des questions afin qu’ils trouvent par eux-mêmes leurs réponses. Il n’impose pas et se comporte avec authenticité.
Un manager manipulateur va, en revanche, utiliser des chemins détournés, des tactiques cachées, voire des mensonges pour atteindre son objectif. Il peut ainsi flatter exagérément, menacer indirectement, culpabiliser, déformer la réalité ou encore souffler le chaud ou le froid, etc. Dans tous les cas, il cache sa véritable intention. A la différence de l’influence, il y a manipulation lorsque les actes du manager sont dictés dans son intérêt personnel, qui prime sur celui de son collaborateur.
Le manager peut donner l’impression d’orienter seulement alors qu’il va pousser vers un choix de façon sournoise et artificielle.
Ce qui est terrible avec la manipulation, c’est que ça fonctionne souvent ! En tous cas à court terme. Sur le long terme, ce type de comportement détruit la qualité du lien managérial et peut avoir des conséquences désastreuses !
La tentation peut être grande même pour des managers bien intentionnés d’avoir recours plus ou moins consciemment à la manipulation car eux-mêmes sont sous pression et/ou manipulés. Ils sont alors tentés d’obtenir plus vite les résultats escomptés. Ils cherchent la performance à court terme et ne misent pas sur le long terme en cherchant à créer une relation durable avec leurs collaborateurs.
Le manager qui manipule peut aussi être soumis au syndrome de l’enfant battu : il reproduit un comportement subi…sans savoir qu’il existe des façons de communiquer plus éthiques.
Certains managers peuvent agir via les travers de la manipulation par manque de maitrise ou de connaissance des clés de communication assertive et authentique. Ils suivent une lignée de managers avant eux, reproduisent un modèle de communication utilisé depuis l’enfance, ils ne sont pas formés et ne savent pas faire autrement. La manipulation est alors « naturelle » et ancrée dans leur fonctionnement.
Comment déceler dans son quotidien ces deux manières de fonctionner ? Comment distinguer les deux ?
Le manager est dans l’influence quand les intentions sont claires et positives pour l’autre autant que pour lui, quand il y a de la transparence. La relation est basée sur un équilibre entre les deux « parties » fondé sur un rapport gagnant-gagnant. Ni le manager, ni le collaborateur ne cherche à prendre le dessus dans la relation. Cette façon de se comporter et de communiquer renforce la confiance. L’efficacité n’est pas seulement à court terme, elle est durable. Le collaborateur se sent davantage motivé et engagé.
En cas de manipulation, c’est tout l’inverse. Nous sommes sur l’immédiateté, les intentions sont cachées, la confiance n’est pas au rendez-vous.
Rester dans une intention d’influence saine et durable est avant tout une question comportementale.
Une des clés pour le manager est de pratiquer l’écoute active afin de réellement comprendre ce que souhaite son interlocuteur, ses motivations et besoins profonds. Cette posture invite à pratiquer l’empathie et non à développer une écoute pour convaincre qui va potentiellement conduire à manipuler. L’écoute est un postulat de la confiance. Elle permet d’identifier des leviers d’adhésion authentiques. Un manager se doit d’avoir une attitude personnelle exemplaire et intègre pour pouvoir influencer durablement.
La qualité de la communication est également un élément à prendre en considération. Le manager dans l’influence sait communiquer de façon simple, impactante et inspirante. En agissant ainsi, il est sincère, porteur de sens et réussit à embarquer les collaborateurs autour d’une vision mobilisatrice. Il ose dire les choses aussi bien quand ça ne va pas que pour féliciter chacun des collaborateurs de façon authentique. Il valorise et renforce ainsi la motivation de tous. Il sait laisser la place, lâcher le contrôle pour mieux développer l’autonomie de chacun. Responsabilisé, le collaborateur se sent acteur de son développement et progresse ainsi davantage.
Que le manager qui n’a jamais été tenté de basculer dans la manipulation jette la première pierre ! Même avec les meilleures intentions, le risque de dérive existe. Le manager doit rester constamment en vigilance. Quelles sont les pratiques à développer pour éviter la manipulation ?
En premier lieu, le manager doit s’interroger sur sa véritable intention. Est-il vraiment dans la recherche d’un bénéfice réel pour lui et pour son collaborateur ; c’est ce qu’on appelle la zone verte. Ou est-il plutôt en train de rechercher son intérêt personnel ; auquel cas il est dans une intention en zone rouge.
Le manager doit aussi prendre du recul, du temps de réflexion pour s’assurer qu’il reste bien dans le champ de l’influence. En effet, la manipulation se développe encore plus dans l’urgence.
Ce qui peut aider le manager c’est aussi de définir avec son équipe des règles du jeu de fonctionnement collectif. Par exemple, se retrouver autour de valeurs communes d’où vont découler des comportements peut vraiment être aidant pour rester dans l’influence et ne pas basculer dans la manipulation. Mettre en avant le respect, la transparence, le travail en confiance est primordial. Cela définit le cadre de fonctionnement et permet d’avoir un rappel à l’ordre des collaborateurs en cas de dérive.
Former la totalité de l’équipe à une communication authentique qui assure bienveillance et exigence dans un esprit de transparence permet d’augmenter ses chances de rester dans le domaine sain de l’influence éthique.
Instaurer au sein de son équipe une culture du feedback est vraiment un excellent garde-fou. Cette dynamique d’échanges qui viennent dans tous les sens, du manager vers le collaborateur, du collaborateur vers le manager ou entre les collaborateurs eux-mêmes est source d’authenticité et de performance. Les équipes sont invitées à exprimer leur ressenti, leur opinion sur le mode de fonctionnement qu’il y a au sein de l’équipe.
Par une influence éthique, le manager va réussir à créer un climat social apaisé dans l’équipe, ce qui fait qu’il va y avoir plus de coopération et d’intelligence collective. La confiance va être renforcée. L’équipe sera davantage motivée, ce qui se traduira par plus de performance. En effet, les collaborateurs oseront exprimer leurs idées, aller même dans la confrontation pour challenger les idées des uns et des autres, ils prendront des initiatives et s’autoriseront à commettre des erreurs. Face à un monde complexe et contraint, c’est aujourd’hui une façon indispensable de travailler et de résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés. C’est ainsi que le manager crée un cercle vertueux.
Alors bien évidemment l’influence éthique est un choix moral, un comportement à adopter mais c’est aussi une façon d’assurer plus de performance et c’est donc une posture stratégique.
L’influence est l’expression d’un leadership mobilisateur.
A l’heure où le rapport au travail a complètement changé et où chacun souhaite de l’éthique, de la transparence, des valeurs saines, réussir à faire la différence entre les comportements d’influence et de manipulation est plus que jamais essentiel. C’est d’autant plus le cas avec les nouvelles générations de collaborateurs qui rejettent avec raison les postures toxiques et peuvent démissionner dans l’heure.
La posture du manager donneur d’ordre est complètement dépassée. Aujourd’hui, il se doit d’être un leader qui sait donner la direction, mobiliser ses équipes tout en leur laissant de l’autonomie dans un climat de confiance mutuelle. La véritable compétence à développer est donc bien sa capacité à influencer positivement chacun des collaborateurs et le collectif tout entier.
Régulièrement, le manager doit se poser cette question simple : Suis-je en train d’influencer… ou de manipuler ? C’est seulement en y répondant en toute sincérité qu’il développera sa légitimité managériale et son style de leadership. Et vous, où en êtes-vous ? 😊