Le Shadow IA ou l’IA fantôme) désigne l’usage par des collaborateurs ou des équipes d’outils d’intelligence artificielle sans validation officielle ni supervision du service informatique ou de la gouvernance interne.
Ce terme provient du Shadow IT, ça en est l’équivalent au niveau “IA”. Le recours à des logiciels, du matériel ou des ressources informatiques (Shadow IT) pouvaient déjà présenter des risques car tout cela échappe au contrôle des services responsables de la sécurité.
Le Shadow IA est quant à lui une source de risques renforcés : les données utilisées circulent souvent vers des serveurs externes, parfois hors de contrôle de l’entreprise.
Concrètement, il y a Shadow IA quand un de vos collaborateurs utilise des Intelligences artificielles (comme ChatGPT, Claude, Gemini, Mistral, Perplexity etc…) pour générer des textes, automatiser des analyses de données, traduire des argumentaires ou générer des images. Pour cela, les collaborateurs vont partager des données, plus ou moins sensibles, sans forcément avoir validé au préalable les conséquences pour l’organisation, qu’elles soient techniques, juridiques, éthiques…
Sans vouloir faire peur, il est bon de prendre conscience des enjeux du Shadow IA quand on est manager. Voici les principaux risques qu’un manager doit connaître :
En fonction des outils et des usages de l’IA par les collaborateurs, les données chargées peuvent exposer des informations sensibles : des datas relatives aux clients, à la stratégie interne de l’entreprise ou à certaines données internes confidentielles.
Au moment de rédiger leur prompt, les collaborateurs peuvent potentiellement induire une violation de la RGPD et des exigences de traçabilité. Des responsabilités légales sont alors engagées surtout si l’intelligence artificielle n’a pas été contrôlée et agit de façon erronée.
Les IA génératives, encore aujourd’hui, peuvent produire des erreurs. Elles peuvent présenter des biais voire proposer des contenus fictifs basés sur des sources non probantes. Ce manque de contrôle peut rendre difficile la validation des résultats. Faisant dire finalement n’importe quoi.
Si chaque équipe utilise un outil d’IA différent, l’organisation dans son ensemble va perdre en uniformité, en interopérabilité et ne va pas capitaliser sur des bonnes pratiques, les outils d’IA utilisés n’étant pas choisi par des experts de la question.
Quand tout va bien, tout va bien. La question à se poser est lorsqu’une erreur est faite, diffusée et identifiée comme telle. Comme le recours à l’IA n’est pas tracé, en cas de dommage, il devient très difficile de suivre qui a utilisé quel outil et dans quelles conditions.
A moyen terme, si le Shadow IA se développe, cela peut fragiliser la confiance, la vision commune et la cohésion autour des outils officiels.
Pour un manager, ces risques se traduisent en enjeux concrets : une perte de contrôle, des conflits de responsabilité, des erreurs potentielles dans les contenus produits par l’équipe, ou même la mise en danger de la réputation de l’entreprise. En même temps, il ne faut pas oublier que ces nouveaux outils sont devenus incontournables dans certains métiers. Alors que faire ?
Il y a encore quelques mois, nombre d’entreprises indiquaient avec fermeté que l’utilisation des IA génératives étaient proscrites essentiellement pour les raisons de sécurité évoquées ci-dessus. Dont acte.
Pour autant les enjeux de performance sont partout et l’IA se développe sans cesse. Si certaines organisations se demandent encore si elles vont autoriser le recours aux IA génératives, d’autres investissent déjà massivement dans l’Agentique IA. Avec l’IA agentique, on passe un nouveau un cap avec une IA qui transforme non seulement des données en connaissances mais qui convertit ces connaissances en actions sans intervention humaine.
Prenons un exemple concret qui nous est familier avec un assistant d’apprentissage intégré dans une plateforme e-learning. Supposons que cet agent conversationnel (IA) observe que les managers stagiaires bloquent souvent sur un module sur la “gestion des conflits”. Il va alors décider de proposer automatiquement et sans décision humaine des ressources complémentaires (vidéo, quiz, étude de cas) adaptées au profil et au rythme de chaque apprenant. L’IA fait preuve d’agentivité, car elle détecte un besoin, choisit une action pertinente et l’exécute de manière autonome.
Cet exemple démontre que la question du cadrage du recours à l’IA est un enjeu managérial.
En tant que manager, sans avoir toujours la main sur la mise à disposition d’outils d’IA sécurisés, vous avez des options possibles. Nous vous proposons 4 étapes pour accompagner le déploiement des outils d’IA de façon concertée et sécurisée et en intégrant les différentes parties prenantes.
Le manager peut dans un premier temps mener un audit interne et identifier les outils IA utilisés (qu’ils soient officiels ou non). Il peut interroger les équipes sur les situations pour lesquelles elles recourent à des solutions d’IA : pourquoi et pour quels besoins ? L’idée est de faire un état des lieux des usages actuels.
Conseil : Au manager d’être modélisant afin que cet exercice se déroule en confiance. C’est le moment d’annoncer que vous-même vous utilisez l’IA pour affiner une fiche de poste ou créer une grille d’analyse lors d’un recrutement.
L’objectif pour éviter le Shadow IA et ses conséquences néfastes est d’encadrer les règles d’usage, les outils autorisés ou selon un mode plus avancé de définir les niveaux de sensibilité selon les données. La communication des principes décidés de recours à l’IA peut se faire de façon pédagogique et transparente voire en concertation quand c’est possible avec les DSI.
Conseil : Le manager peut instaurer des pratiques raisonnées et insister sur des anonymisations de données avant de les charger sur les applications d’IA. Faire en sorte que ni les noms de clients ni celui de l’entreprise n’apparaissent sur les prompts est un premier pas vers un recours sécurisé. Et penser à vérifier les sources et les résultats.
Le recours à l’IA est identifié dans les équipes, il est alors temps d’expliquer les risques juridiques, de sécurité et de fiabilité. Des ateliers de sensibilisation à un usage responsable peuvent être mis en place.
Conseil : Au sein de votre équipe, n’hésitez pas à promouvoir une culture d’“IA consciente” : questionner, vérifier, douter.
Les outils d’IA évoluent à grande vitesse. Nous vous invitons à valoriser les initiatives “responsables” d’expérimentation qui sont partagées collectivement dans une dynamique d’amélioration continue. Comme souvent, c’est grâce à l’intelligence collective que les innovations sont intégrées le plus sereinement possible et avec des objectifs de performance réelle.
Conseil : Mettez en place un lieu d’échanges dans lequel les collaborateurs peuvent proposer de nouveaux usages IA plutôt que d’y aller en “solo”. Cela incitera aussi bien le test-and-learn que l’innovation.
Le shadow IA révèle avant tout une tension entre innovation et contrôle. Interdire purement et simplement l’usage de ces outils serait contre-productif : les collaborateurs continueront à explorer, souvent pour gagner du temps ou tester de nouvelles idées. Le rôle du manager est donc d’accompagner cette curiosité plutôt que de la freiner. En sensibilisant ses équipes aux risques, en encourageant la transparence et en créant un cadre clair d’expérimentation, il transforme un usage “dans l’ombre” en levier d’apprentissage collectif et de performance. En d’autres termes, le manager devient un facilitateur d’un usage responsable de l’IA, au service de la progression de l’entreprise autant que de celle des individus.