Il est intéressant de savoir que nos amis anglais contrairement à nous, utilisent le terme très couramment. Le verbe « to procrastinate » fait partie du vocabulaire usuel de nos voisins. Certes le mot n’est pas très joli en français (en tout cas c’est mon avis) mais il fait réagir. Lorsque je l’utilise en animation de formations managériales, on m’en demande à chaque fois la définition.
Procrastiner veut dire « remettre à demain ce que l’on peut faire le jour même ». Mais pour autant, tout ce qui est remis à demain n’est pas forcément de la procrastination. Pour que ce soit de la procrastination, il faut que ce report déclenche un sentiment d’insatisfaction.
Par exemple, un individu reporte à plus tard le fait de regarder une série qu’il apprécie ou une activité professionnelle sans grande importance. Dans ces cas, il n’y a pas d’enjeu particulier ; comme disent les anglais « and so what ? » ; and so … rien ; il ne s’agit pas à proprement parler de procrastination.
Le fait de remettre une tâche ou une action devient de la procrastination lorsque la réponse à la question « que ce passe-t-il si je ne le fais pas ? » déclenche une émotion déplaisante ou qu’elle génère de l’insatisfaction voire un sentiment de culpabilité.
Et évidemment, la procrastination peut avoir un impact sur les résultats d’une personne ou de l’équipe. Elle peut influer l’ambiance même au sein de l’équipe. Et avoir un impact sur l’estime de soi…
Le phénomène de procrastination est un processus, à l’image d’une boucle sans fin. Ce cycle est directement lié à la notion de choix et de conscience de ce choix. Lorsqu’un individu procrastine, il est alors dans une dynamique de « non-choix », de « non-action » plus ou moins consciente, il se laisse aller…
Je vous propose un éclairage avec un exemple d’une personne que j’ai accompagnée. Cette personne a régulièrement des contraventions qu’elle ne paye pas. Elle reçoit les contraventions, les met de côté en se disant qu’elle gérerait plus tard. Puis vient le moment où elle reçoit les relances, incluant les pénalités de retard… Pourtant agacée, et prévenue des conséquences, elle continue à mettre de côté les courriers, avec une inquiétude qui commence à pointer, mais qui malgré tout est mise de côté également. Elle sait ce qui lui pend au nez, mais ne fait rien. Elle finit par recevoir une mise en demeure… ne fait toujours rien, puis c’est une retenue sur salaire. Grosse colère, contre soi-même, contre l’Administration… et cela recommence avec les contraventions suivantes, la récurrence s’installe !
Par quelles étapes cette personne est-elle passée ?
Vous avez là les 6 étapes du processus de la procrastination directement liées au comportement. L’individu qui procrastine sait qu’il ne doit pas se comporter de cette manière, et pourtant le fait.
La procrastination est une « habitude » de comportement face à certaines tâches qui ont un enjeu plus ou moins important. Il s’agit d’une « stratégie » interne mise en place de manière plus ou moins consciente alors que nous savons que cela va à l’encontre de notre besoin. J’ai besoin de faire quelque chose, mais inconsciemment ou pas, c’est comme si une petite voix intérieure me disait de faire autre chose à la place. Nous avons toutes et tous déjà démarré une activité ou une tâche qui au fur et à mesure s’est transformée en tout à fait autre chose, parce que l’on s’est laissé engager vers une lecture de mails ou une visite sur le Net pour trouver une info, déviant alors totalement de la trajectoire initiale.
Il s’agit d’un conflit entre soi et soi qui raconte quelque chose. Et la clé est de détecter si on agitconsciemment ou inconsciemment.
Pour comprendre ce qui est en jeu dans le processus du procrastinateur, il est important de comprendre le sens que peut avoir cette procrastination.
Dans le cas de cette personne face à ses contraventions routières, au travers du travail qui a été effectué, elle s’est rendue-compte qu’elle « essayait de contrer l’Administration ». Inconsciemment dans une posture de rébellion, elle voulait prouver qu’elle pouvait être plus forte que l’Administration.
Cela peut prêter à sourire mais à chaque fois que nous procrastinons, nous y mettons un sens, que nous appelons « bénéfice secondaire » même si a priori, il n’y a aucun bénéfice. Il est donc important de réfléchir à ce que l’on peut « gagner » à ne pas faire ou à reporter, alors qu’à chaque fois on se retrouve dans cette boucle désagréable.
Autre exemple de personne que j’ai accompagnée : elle venait d’être promue Responsable commercial de l’équipe dans laquelle elle excellait en tant que commercial. Elle procrastinait sur ses tâches de management d’équipe. Après plusieurs rappels de sa direction, elle n’engageait toujours pas d’action de management. Après quelques séances de coaching individuel, elle a fini par s’avouer qu’elle avait accepté le poste alors que pour elle être « responsable d’équipe » était synonyme d’avoir un rôle de « méchant », ce qui n’était pas possible pour elle. Se présentaient donc deux choix : changer de comportement et de regard sur le poste de « responsable » ou revenir à son poste de commercial. Elle a choisi la 2ème option et s’en est trouvé soulagée.
Il est donc indispensable pour contrer la procrastination de revenir à la conscience de ce que nous faisons et de ce que nous mettons en jeu. « Qu’est-ce que je veux raconter en faisant cela ? »
Traiter sa propre procrastination passe par l’observation du processus dans lequel on est en en revisitant chaque étape. Et cela passe à la 3ème étape par faire un vrai choix en conscience : je décide de le faire, ou je décide de ne pas le faire. Je me rends donc consciemment responsable de la suite et des conséquences. Je prends une décision.
Si je décide de ne pas le faire, l’émotion sera totalement différente de si « je laisse faire » ; je sors de la « victimisation » et j’agis. Engendrer l’action de ne pas faire est important dans le processus de procrastination, c’est même souvent un soulagement. L’accueil de la suite sera totalement différent, et il est probable que cela m’amène à changer de comportement.
Pour l’interlocuteur de quelqu’un qui procrastine, gérer la procrastination passe par l’échange, l’écoute et l’accueil des réponses. La menace ne fonctionne pas. Ou alors elle fonctionnera peut-être une fois puis le processus recommencera.
Ce qui va aider à avancer, c’est de donner du sens à ses demandes demandes, aux activités, aux tâches ou aux changements demandés. Et pour cela mettre en contexte, raconter à quoi cela sert, à qui cela sert, les conséquences positives lorsque ces tâches ou ces changements seront menés à bien, les conséquences négatives voire les risques si c’est le contraire. Donner des exemples factuels et précis.
Il est aussi important d’être clair sur les enjeux. Et de faire émerger chez son interlocuteur les solutions pour qu’il s’y mette, plutôt que de le conseiller ou de lui dire quoi faire.
Voici quelques conseils qui permettent d’éviter la procrastination.
En conclusion, la procrastination n’est pas juste le fait de remettre à demain. La procrastination a un sens plus profond et a un rapport avec l’intime. C’est pourquoi il n’est pas toujours facile d’en sortir vraiment. Des formations peuvent aider à trouver des clés, et aussi des accompagnements individuels en coaching.
Nous organisons régulièrement des parcours pour aider les managers à rester toujours dans la performance et favoriser le bien être des collaborateurs et des équipes. La procrastination n’est pas une fatalité, cela se « soigne » 😊 et nous pouvons vous y aider.