La première réponse que nous apportons à des managers qui nous posent la question de ce qu’ils doivent faire quand ils ne sont pas d’accord avec une décision qu’on leur demande de mettre en œuvre, c’est que leur rôle est précisément d’appliquer la politique de leur entreprise. Les managers sont les courroies de transmission de la stratégie décidée par la direction de l’entreprise. Ils sont payés pour cela !
Ne pas le faire c’est se mettre en danger car cela va légitimement être interprété comme un manque de loyauté. Le principe de protection doit à ce niveau guider un manager.
Cela n’empêche pas cependant d’exprimer ses doutes, ses incompréhensions, ses interrogations ou ses réserves. Le principe de permission est possible, encore faut-il le faire de la bonne façon, au bon moment et auprès des bonnes personnes. Partager ses désaccords avec ses collaborateurs n’est notamment pas possible. En revanche, le manager peut et doit en cas d’incompréhension aller voir son N+1 pour discuter de la décision avec lui. Non pas de façon fermée en refusant d’appliquer la décision, mais d’une façon ouverte pour demander des explications, trouver du sens, partager sur la meilleure façon de mettre en application la décision prise et de la communiquer aux équipes. Les marges de manœuvre, une fois qu’une décision est prise, ne sont souvent pas dans la décision elle-même, mais dans la façon de la mettre en application.
Dans le cas d’une décision de l’entreprise non négociable, la notion de désaccord et d’engagement s’applique de la façon suivante : pouvoir exprimer ses désaccords auprès de sa hiérarchie pour trouver ses marges de manœuvre ; s’engager vis-à-vis de ses collaborateurs pour faire appliquer la décision. Si par exemple l’entreprise a pris la décision d’utiliser un nouvel outil de travail (comme un ERP), le manager peut discuter avec sa hiérarchie du délai de déploiement du nouvel outil et des moyens disponibles pour accompagner l’équipe (par exemple pour former les collaborateurs à l’outil). Vis-à-vis de son équipe, il indiquera de façon claire que le choix du nouvel outil est fait et que ce n’est pas négociable, tout en présentant les moyens mis en œuvre.
Cela induit d’être clair de la part de la hiérarchie comme du manager de proximité sur ce qui est négociable ou pas. Faire croire qu’il y a des marges de manœuvre quand il n’y en a pas est un processus manipulatoire qui se retournera très souvent contre son auteur sous la forme d’un mécontentement et d’un désengagement des équipes.
Pour s’engager pleinement dans une décision, nous avons tous besoin de la comprendre, et d’en intégrer le sens. Chacun comprendra d’autant mieux une décision qu’il y aura contribué, et encore plus s’il a pu exprimer ses idées. Ce qui se résume dans l’adage « tu m’imposes, je m’oppose. Tu m’impliques, je m’engage ».
C’est la raison d’être du concept de désaccord dans le principe managérial « désaccord et engagement ». Cela consiste à donner le droit aux managers d’exprimer leurs opinions, de partager leurs idées en amont d’une décision, ce qui leur permettra d’être d’autant plus engagés, loyaux et disciplinés en aval pour faire appliquer la décision. Cela devrait d’ailleurs dans toutes les entreprises être un devoir pour les managers de s’exprimer, d’apporter leur valeur ajoutée, d’être dans la confrontation d’idées, au bénéfice de plus de performance opérationnelle.
Ce principe ouvre la question du mode de prise de décision. Si l’élaboration des décisions stratégiques dans une entreprise ne donne généralement pas lieu à la consultation des managers ou des salariés, la déclinaison de la stratégie en plans d’action gagne à avoir un processus de réflexion qui prenne en compte les idées de chacun, et notamment des managers qui ont aussi un rôle de prise de hauteur sur le quotidien.
Encore faut-il que le processus de prise des décisions opérationnelles soit précédé d’une phase de réflexion qui implique les acteurs opérationnels. Notre conviction est que plus la décision correspond au quotidien des équipes, plus celles-ci doivent être impliquées dans la réflexion et pouvoir donner leur avis. De façon collégiale (quelques collaborateurs en mode projet) ou collective (toute l’équipe ou toutes les personnes concernées). Cette démarche permet de nourrir la décision, qui sera ensuite légitimement prise par le management dont c’est aussi le rôle (ce qui n’empêche pas que sur certains sujets, le processus de prise de décision puisse lui aussi être collégial ou collectif).
Avoir un processus de réflexion qui implique les acteurs concernés aura un impact sur la pertinence des décisions prises, et aussi sur leur compréhension et leur acceptation par l’ensemble des collaborateurs. C’est en particulier juste concernant les managers, afin qu’en partageant leurs doutes et leurs suggestions, ils puissent s’approprier pleinement les décisions et en devenir sans réticences ou arrière-pensées les ambassadeurs.
Que la prise de décision ait donné lieu ou pas à une implication des managers, une fois que la décision est prise le manager est là pour la faire appliquer. C’est la raison d’être du concept d’engagement dans le principe managérial « désaccord et engagement ». Comme déjà évoqué, un manager a pour mission première de faire appliquer la politique de l’entreprise.
C’est bien de le rappeler car la bonne déclinaison de la politique de l’entreprise se heurte trop souvent à un manque de discipline managériale. Tout d’abord pour des questions de réticences ou d’incompréhensions qui justifient la phase de « désaccord » que nous avons développé dans le paragraphe précédent.
Mais aussi souvent pour des questions d’interprétation des décisions par les managers quant à leur déclinaisons opérationnelles. Les décisions peuvent n’être que partiellement appliquées si les managers :
Bien évidemment, ces différents facteurs peuvent se retrouver aussi chez les managers de managers ; dans ce cas, c’est toute la chaine managériale qui va être grippée.
Les entreprises ont donc tout intérêt d’accompagner leurs managers, par la formation et le coaching individuel, sur tout ou partie de ces points afin d’optimiser la discipline managériale et de faire en sorte que les décisions prises soient suivies d’effets opérationnels effectifs.
Le principe managérial du « désaccord et engagement » est un angle de vue simple et puissant pour aligner toute la communauté managériale d’une entreprise sur les décisions et assurer l’efficacité opérationnelle. C’est un sujet qui permet de faire monter en compétence les managers sur leur rôle central au service de la performance de leur périmètre et plus globalement de l’entreprise.