L’empathie est-elle un faux-ami ?

Il ne faut pas confondre empathie et sympathie
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« Ce n’est pas à moi de m’adapter à mes collaborateurs mais à eux de s’adapter à moi. »

« Au travail, il y a des choses à faire et des règles à respecter, le reste ne rentre pas en ligne de compte. »

Impossible de recenser le nombre de fois où j’ai entendu ces phrases.

Je fais partie d’une génération qui était obligée d’effectuer son service national et j’ai encore en tête les lieux communs du management autoritaire : « réfléchir c’est commencer à désobéir », « je ne veux voir qu’une seule tête » ou encore « arriver à l’heure, c’est déjà être en retard ».

Empathie ou sympathie ?

Au sein de l’entreprise, la figure classique du chef qui dirige, impose et attend obéissance et respect de ses collaborateurs a du plomb dans l’aile et elle est totalement inopérante sur les générations Y et Z.

Mais il ne faut pas confondre empathie et sympathie. Il ne s’agit pas d’être pote avec tous ses collaborateurs. Etre empathique ne veut pas dire être d’accord et cautionner mais comprendre leurs émotions et se mettre à leur place.

La vie personnelle influence forcément la vie professionnelle. Il est nécessaire de séparer les deux, mais la cloison sera toujours poreuse.

S’intéresser à ses employés est un facteur très important de motivation.

« Comment va votre fils ? »

« Alors ces vacances ? »

« Votre épouse va mieux ? »

Ces petites questions simples instaurent un climat de confiance qui permet de travailler avec plus de transparence.

L’empathie émotionnelle ou cognitive ?

S’intéresser à ses collaborateurs est le premier pas vers l’empathie et vers une vie au travail plus épanouissante, moins stressante et plus efficace.

Mais attention !

Bien qu’indispensable au manager, l’empathie est aussi devenue un mot fourre-tout souvent mal compris alors que le concept doit être manié avec précaution car il est plus complexe qu’il n’y parait.

En fait, il existe au moins deux sortes d’empathie : l’empathie émotionnelle qui est la capacité à se représenter les émotions de l’autre et l’empathie cognitive qui est la capacité à se représenter ses pensées.

Dans son ouvrage « Empathie et manipulations », le psychiatre Serge Tisseron démontre qu’une forte empathie affective sans empathie cognitive ouvre la voie à toutes les manipulations possibles.

Ainsi, dans notre société soumise à une infobésité quotidienne où l’émotion prime sur la raison, les images sont un puissant facteur de mobilisation affective de l’individu. Par exemple, un appel aux dons aura beaucoup plus d’impact s’il est accompagné de photos chocs.

Mais de la même façon, l’empathie uniquement cognitive peut s’avérer être un outil de manipulation redoutable en disant à l’autre exactement ce qu’il a envie d’entendre et en lui faisant croire qu’on est impliqué affectivement alors qu’il n’en est rien.

L’empathie en pratique

C’est bien toute la difficulté du concept d’empathie. Percevoir et comprendre les sentiments, les émotions, la manière de penser des autres tout en maintenant une distance affective nécessite de bien se connaitre soi-même et de bien comprendre la différence entre influence et manipulation.

Manager revient à élaborer un cadre, à fixer des objectifs et à donner à ses collaborateurs les moyens de les atteindre. Le manager use de son influence pour créer une coopération efficace au sein de l’équipe en donnant du sens à son action. Il mobilise des énergies pour obtenir des résultats et cela passe par un rapport de confiance mutuel.

En revanche, si le manager demande l’avis de ses collaborateurs alors que tout est déjà décidé, ce n’est plus de l’influence, c’est de la manipulation basée sur une empathie cognitive dévoyée qui prétend que penser à la place de l’autre revient à se mettre à sa place. Il ne s’agit plus d’un rapport de confiance mais de soumission.

Voici un exemple observé dans une très grande entreprise de négoce. Le directeur commercial avait décidé de nommer un commercial itinérant au rang de chef de produits. Persuadé de bien connaitre ses collaborateurs et pensant que cette nomination allait susciter des jalousies, il avait décidé de soumettre cette promotion interne aux candidatures. Plusieurs salariés firent donc acte de candidature au poste. Beaucoup d’entre eux avaient plus de compétences techniques que le commercial itinérant et ces compétences étaient indispensables pour mener à bien les missions inhérentes au poste proposé. Mais le commercial fut tout de même choisi, car sa nomination était décidée d’avance.

Cette manipulation grossière eut un effet particulièrement nocif sur les résultats du pôle commercial et sur l’ambiance générale au sein de l’équipe. Aucun des membres ne fut dupe a posteriori de la supercherie et la confiance envers le directeur commercial fut pour certains rompue à jamais.

Pour être véritablement empathique de façon positive, le manager doit être moins tourné vers lui et être plus curieux des autres, de ce qu’ils ressentent et désirent. Il doit être authentique, humble, inspirer la confiance et valoriser son équipe. Et surtout il ne doit jamais faire à autrui ce qu’il ne voudrait pas qu’on lui fasse. En bref, il doit être le manager qu’il aurait voulu pour lui-même.

De l’empathie à la bienveillance

L’empathie doit donc être envisagée dans sa globalité, à la fois émotionnelle et cognitive, et avec un juste équilibre entre les deux. Cela nécessite de la part du manager un travail sur soi car pour comprendre les autres, il faut d’abord se comprendre soi-même. Si cette auto-évaluation peut parfois être douloureuse, elle est pourtant indispensable pour envisager l’autre de façon positive et comprendre son point de vue. La notion ambivalente d’empathie pourra alors céder la place à une autre : la bienveillance.

Cet article invité a été écrit par Luc Millésime du blog apprendrelemanagement.fr. Pour recevoir gratuitement son guide « Dix Règles Essentielles Pour Réussir Son Management », rendez-vous sur son blog.