Soignants face à l’agressivité : des outils concrets pour réagir sans subir

Comment réagir face à un patient agressif ou à un collègue dont le ton dérape ? Dans les services de soin, l’agressivité peut surgir à tout moment. Cette réalité met les équipes médicales à rude épreuve et nécessite des réponses concrètes. Dans cet article, vous trouverez des pistes pour comprendre les mécanismes de l’agressivité dans le soin, adopter des réflexes simples pour désamorcer une situation tendue, gérer l’agressivité entre collègues sans laisser s’installer un climat toxique et agir en tant que manager pour protéger les équipes et prévenir les débordements. Des outils concrets pour réagir sans subir, préserver la qualité du soin et renforcer la coopération dans les équipes.
Comment gérer l’agressivité dans les services de santé ?

Comment gérer l’agressivité au quotidien quand on est soignant ?

Soigner est un métier d’engagement. Mais c’est aussi un métier d’exposition : à la souffrance, à la détresse, et parfois à l’agressivité.

Dans les métiers de la santé, les équipes doivent faire face à des comportements hostiles ou violents. Certains patients, sous l’effet de la douleur ou de l’angoisse, peuvent perdre leur sang-froid. Les familles, confrontées à des situations difficiles, laissent parfois éclater leur colère. Et dans les équipes elles-mêmes, la pression peut générer des réactions agressives entre collègues.

Ces situations ne sont pas anodines. Elles pèsent sur la santé mentale des soignants, fragilisent la cohésion d’équipe et peuvent nuire à la qualité de la prise en charge. Pourtant, il est possible d’agir. Il ne s’agit pas de tout accepter, mais d’apprendre à réagir autrement : poser un cadre, désamorcer les tensions, savoir se protéger sans couper le lien.

Nous vous proposons des clés concrètes pour gérer l’agressivité dans les équipes de soin, du face-à-face avec un patient difficile à la régulation des tensions internes. Des outils pratiques pour continuer à soigner, sans s’oublier.

1.     Comprendre les causes de l’agressivité

Dans le milieu médical, les professionnels sont régulièrement confrontés à des situations de tension. L’agressivité peut surgir à tout moment, dans les échanges avec les patients, avec leurs proches… mais aussi au sein même des équipes. Cette agressivité est une réaction assez naturelle chez l’humain, dans ces situations il ne s’agit pas de l’éviter mais de la comprendre pour mieux l’appréhender et la gérer. Cette réalité, souvent taboue, est pourtant bien présente dans beaucoup de pans du milieu médical.

Comprendre les cause de l’agressivité chez les patients et les familles

Les causes sont multiples : la douleur, l’attente, l’inquiétude, la sensation de ne pas être entendu ou compris. Les patients et les familles, dans un milieu médical, sont confrontés à des situations exceptionnelles qui suscitent chez eux des réactions tout aussi spéciales. La peur, la perte de repères, l’impuissance ou les troubles cognitifs aggravent ces réactions. Le stress émotionnel est tel que la colère devient un mode d’expression face à un système perçu comme impuissant ou inaccessible.

  • Le premier facteur est donc le contexte : une situation d’urgence, de stress extrême, d’inconnu totale.
  • Le second facteur est ensuite les émotions liées à la gestion de cette situation : la douleur du patient, le sentiment d’injustice par rapport à l’événement dans sa globalité, l’incompréhension des délais. Par exemple : un moment d’agressivité peut arriver lorsqu’un patient ou un membre de sa famille voit un autre être patient être pris en charge avant.

Comprendre les causes de l’agressivité en interne au sein des équipes soignantes

Du côté des équipes, la pression ne faiblit pas. Les soignants évoluent dans un environnement où la fatigue, le manque de ressources et la surcharge émotionnelle peuvent générer des tensions internes. Un mot mal interprété, un geste brusque, un regard perçu comme un reproche : la communication peut vite déraper, alimentant des conflits latents.

  • Le premier facteur est inhérent aux métiers de la santé : le stress personnel et l’accumulation de stress collectif.
  • Le second facteur est lié au contexte environnant et aux événements ponctuels : un conflit de gestion entre service, un défaut de communication…

Face à ces situations, il est essentiel de proposer des outils concrets. Des réflexes simples, à la portée de tous, permettent de désamorcer les tensions avant qu’elles ne deviennent ingérables. C’est un enjeu de protection des équipes, mais aussi de qualité du soin et de climat de travail.

2.     Quels sont les outils concrets pour réagir face à l’agressivité des patients ?

Face à l’agressivité, chaque professionnel de santé peut adopter des réflexes simples pour éviter l’escalade. Il ne s’agit pas de tout accepter, mais de réagir de manière posée et structurée pour protéger la relation et préserver son propre équilibre.

Les réflexes de la désescalade

  1. Repérer les signaux d’alerte :
    – Une gestuelle brusque, le ton qui monte, un changement dans le vocabulaire : un tutoiement soudain, un langage familier
  2. Garder une posture calme
    – Respirez, parlez calmement
    – L’attitude influence la situation et la posture de l’interlocuteur
  3. Exprimer une écoute active
    – Montrer qu’on comprend et qu’on entend l’émotion
    – Replacer du factuel autour de l’émotionnel
    – “Je comprends que ce soit difficile, nous faisons notre maximum”
  4. Poser un cadre clair
    – Rappeler les limites et les places de chacun
    – “Je veux bien continuer d’échanger avec vous mais sans crier”
  5. Proposer un pas de côté
    – Faire une pause ou changer d’interlocuteur peut éviter l’escalade.

La gestion de soi face à l’agressivité

Face à l’agressivité, le risque est de répondre sur le même registre. Fatigue, stress, accumulation de tensions : il est humain de vouloir se défendre, parfois de façon impulsive. Pourtant, si le soignant réagit avec agressivité, la situation dégénère immédiatement. C’est pourquoi apprendre à se gérer soi-même est une étape clé dans la désescalade.

La première étape est de prendre conscience de ses propres émotions. Sentir que la colère monte, que le corps se tend, que le souffle s’accélère : ces signaux sont des indicateurs précieux. Les identifier permet de ne pas se laisser embarquer.

Plusieurs techniques simples peuvent aider :

  • Respirer pour ralentir

    Respirer profondément permet de calmer le système nerveux. Inspirer par le nez, expirer longuement par la bouche, répéter plusieurs fois. Ce geste simple diminue instantanément la tension corporelle et mentale.

    • S’ancrer physiquement

      L’ancrage corporel est une autre clé. Il suffit de poser consciemment les deux pieds au sol, de relâcher les épaules et de sentir son corps dans l’espace. Cela aide à revenir au présent et à garder son calme.

      • Reformuler intérieurement

        Avant de répondre, prendre quelques secondes pour se dire : « Je choisis de répondre professionnellement ». Cette petite phrase évite de réagir à chaud.

        • Prendre du recul mentalement

          Visualiser la situation comme si on la regardait de l’extérieur aide à réduire l’impact émotionnel immédiat. Cela permet de garder une posture d’observateur et de ne pas surréagir.

          • Se préparer en amont

            Enfin, la gestion de soi se travaille en dehors des situations de crise. Des pratiques régulières comme la cohérence cardiaque, la méditation ou le training mental peuvent renforcer la capacité à rester calme dans des contextes difficiles.

            Ces techniques ne visent pas à nier ses émotions mais à les reconnaître pour mieux les réguler. Être soignant, ce n’est pas être inébranlable : c’est savoir naviguer entre les tensions sans perdre son professionnalisme.

            3. Gérer l’agressivité entre collègues : sortir du cercle vicieux

            Les tensions entre collègues ne sont pas rares dans les équipes soignantes. La charge mentale, les urgences, le stress permanent peuvent conduire à des incompréhensions ou à des comportements agressifs. Dans ces situations, chacun peut entrer dans un cercle vicieux : plus la tension monte, plus la communication se crispe, et plus le climat se détériore. Pour éviter cela, il est nécessaire d’agir à deux niveaux : sur la manière de communiquer et sur le fonctionnement collectif de l’équipe.

            Mieux communiquer

            Le premier réflexe est d’oser dire les choses au moment où elles se produisent, sans laisser la frustration s’accumuler. Cela ne veut pas dire réagir à chaud sous l’effet de l’émotion, mais plutôt exprimer un ressenti avec calme, sans agressivité. Le feedback immédiat permet de prévenir les non-dits qui deviennent des rancœurs.

            L’approche de la communication non violente (CNV) est particulièrement adaptée au contexte médical. Elle propose de décrire les faits de façon objective, d’exprimer son ressenti, de formuler son besoin et de proposer une solution ou une demande. Cette méthode aide à désamorcer les tensions sans blesser.

            Parler des tensions, c’est aussi accepter de sortir du silence inconfortable qui alimente les malaises relationnels. Lorsque les sujets sont posés clairement, il est plus facile de trouver des solutions ensemble.

            Construire un climat d’équipe sain

            Au-delà des échanges ponctuels, l’équipe a besoin d’un cadre collectif qui favorise le dialogue. Des temps d’échange réguliers, comme les briefings ou les débriefings après les situations complexes, permettent de poser les choses à froid et d’aborder les difficultés sans que cela ne devienne personnel.

            Former les managers à un leadership bienveillant est également essentiel. Leur rôle n’est pas seulement d’organiser les plannings ou de gérer les urgences, mais aussi d’écouter les équipes, d’encourager la coopération et de recadrer quand c’est nécessaire, toujours dans le respect des personnes.

            Enfin, quand les tensions deviennent trop lourdes ou trop anciennes, il peut être utile de mettre en place un dispositif de médiation. Ces espaces permettent de rétablir le dialogue, d’apaiser les conflits et de retrouver un mode de fonctionnement plus serein.

            Construire un climat d’équipe sain, ce n’est pas faire disparaître les tensions, mais apprendre à les réguler collectivement pour préserver l’énergie du groupe et la qualité des soins.

            4. Le rôle clé du management dans la prévention des tensions

            L’agressivité dans les équipes médicales ne concerne pas uniquement les patients ou leurs proches. Elle peut aussi s’exprimer entre collègues, sous la pression du quotidien. Un mot blessant, une remarque sèche, un ton qui monte… Si ces comportements ne sont pas régulés, ils abîment durablement les relations de travail. Prévenir l’agressivité, c’est donc une responsabilité collective, mais aussi un enjeu managérial majeur.

            Pour agir efficacement, il ne suffit pas de demander aux équipes de « garder leur calme ». Il faut leur donner des outils. Former les professionnels de santé à la gestion de l’agressivité est une nécessité, pas un luxe. Cela passe par des formations pratiques sur les techniques de désescalade, la gestion des émotions ou encore la manière d’aborder un collègue agressif sans envenimer la situation.

            Les équipes ont aussi besoin d’être accompagnées dans la reconnaissance émotionnelle. Savoir identifier ce qui, dans une situation donnée, provoque colère ou frustration, permet d’agir plus tôt et d’éviter la surréaction.

            Le management doit également proposer un cadre clair. Mettre en place des procédures pour gérer certaines situations. Il est plus facile pour un membre de l’équipe de se défaire d’un poids émotionnel quand il sait comment réagir, vers qui se tourner et quelles sont les limites qui sont acceptables.

            Enfin, il est essentiel de valoriser les comportements coopératifs. Dire merci, souligner un geste d’entraide, encourager la bienveillance : ces actions simples contribuent à créer un climat où l’agressivité a moins de place pour s’installer.

            Prévenir l’agressivité, c’est un travail de fond qui demande du temps, des outils, et surtout un engagement collectif porté par les managers.

            Conclusion

            L’agressivité fait partie des réalités du quotidien soignant. Elle peut venir des patients, de leurs proches ou parfois des collègues. Plutôt que de subir ces situations, il est possible d’apprendre à les gérer avec méthode, professionnalisme et bienveillance.

            Désamorcer l’agressivité n’est pas un réflexe naturel : cela s’apprend. Cela passe par des outils concrets, une meilleure connaissance de soi, mais aussi par une posture collective où l’on ose dire les choses, poser un cadre clair et se protéger mutuellement.

            Le rôle du management est central. Former les équipes, organiser des temps d’échange, instaurer des règles précises pour encadrer les comportements : ces actions permettent d’éviter que les tensions ne dégénèrent en violence verbale ou comportementale.

            Prendre soin de ceux qui soignent, c’est aussi leur donner les moyens d’évoluer dans un environnement professionnel plus apaisé. Cela ne supprimera pas toutes les situations difficiles, mais cela aidera les équipes à y faire face sans s’épuiser ni se mettre en danger.

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