Revenons à la définition pour commencer. L’intelligence situationnelle, c’est la capacité à s’adapter à un contexte précis en mobilisant les ressources cognitives, émotionnelles et relationnelles appropriées.
Il existe de nombreuses formes d’intelligence : émotionnelle, analytique, sociale… j’ai accompagné des dirigeants qui avaient certes un Quotient Intellectuel élevé mais qui manquaient cruellement d’intelligence émotionnelle et situationnelle.
L’intelligence situationnelle est multiple. Elle s’inspire de la psychologie mais aussi du monde militaire, de l’éducation, etc.
Robert Sternberg, psychologue américain, parle d’intelligence pratique et la définit comme la capacité à s’adapter efficacement à l’environnement. L’intelligence pratique selon lui, c’est comprendre les dynamiques sociales et à réagir avec pertinence. Certains évoquent la notion de « bon sens » tout simplement !
Sternberg et d’autres ont critiqué la trop grande valorisation du QI au détriment d’autres formes d’intelligencesappliquées au réel. Ces dernières sont souvent très présentes chez des entrepreneurs ou des personnes non diplômées et qui réussissent cependant très bien dans leur fonction.
Les forces armées utilisent aussi le terme d’« intelligence situationnelle » pour « désigner la capacité d’un commandant à évaluer rapidement une situation sur le terrain, à intégrer de multiples informations, à anticiper les réactions ennemies et à ajuster ses décisions ».
Cette capacité d’analyse en temps réel est cruciale dans des environnements instables, incertains, complexes et à forte pression. Il est alors facile de proposer un parallèle direct avec certaines situations managériales.
Dans les années 1960-70, des chercheurs en management ont développé les théories de la contingence. En fait, iln’existe pas une seule façon de manager car le management dépend de la situation et du contexte. Ces théories reposent sur un management « adaptatif », où l’efficacité dépend de la capacité à ajuster les pratiques aux situations internes et externes comme l’équipe, l’ADN de la société, les enjeux, les personnalités, mais aussi la concurrence, le marché, les attentes des clients, etc.
Et bien évidemment, on ne peut évoquer le mot « situationnel » sans parler automatiquement du leadership situationnel développé par Hersey et Blanchard.
Pour Hersey et Blanchard, deux critères sont à prendre en compte : la motivation et la compétence des collaborateurs. Mais attention, selon eux, il est important de nuancer et être plus « subtil » que la simple déclaration : « Paul est motivé et incompétent » ou « Coline est compétente mais démotivée ! »
Cela crée 4 situations possibles pour chaque tâche. Dans le modèle Hersey Blanchard du leadership situationnel, on va retrouver 4 types de management :
En fonction de la situation, un manager doit savoir adapter sa posture. Hersey et Blanchard insistent sur le fait qu’il ne faut pas « coller une étiquette » globale à un collaborateur mais vraiment analyser les différentes missions qu’il doit mener. En effet, le « diagnostic » peut être totalement différent en fonction de ses tâches. Prenons l’exemple d’un collaborateur d’un service commercial : il peut être compétent et pas du tout motivé pour remplir le CRM et très motivé et pas encore compétent sur la négociation en Grands Comptes !
Aujourd’hui, l’intelligence situationnelle est essentielle pour les dirigeants et managers qui sont confrontés à des situations multiples, de plus en plus complexes et liées à l’incertitude, aux changements continus et aux différents conflits à gérer tant en interne qu’en externe…
Les comités de direction comme les managers doivent pouvoir analyser rapidement un contexte en termes d’enjeux, de priorités, de dynamiques humaines et émotionnelles pour pouvoir prendre des décisions efficientes et adaptées. Pour être agile en management, il faut bien évidemment faire preuve d’intelligence situationnelle et de nuance. Ensuite, il faut ajuster sa communication et son leadership en conséquence.
Un leader doit avoir un forte capacité d’observation et faire preuve d’écoute active. Concrètement, il doit réussir à faire la différence entre les faits (incontestables), les opinions qui peuvent surgir de sources multiples (forcément contestables !) et bien évidemment les émotions. Ces dernières, même si elles ne sont pas partagées par tous, restent incontestables car propres à chaque personne.
C’est pour cela qu’il est nécessaire de savoir écouter au-delà du superficiel, de mettre en place une stratégie de questionnement verticale pour « creuser » et découvrir des subtilités utiles pour analyser une situation et réussir à prendre du recul. Par exemple, en cas de situation de « conflit larvé » dans l’équipe, il faut repérer les signaux faibles pour pouvoir désamorcer et traiter avant que cela ne dégénère en « conflit ouvert » et cela sans polariser sur personne.
Cette lecture du contexte humain (émotions, rapports de force, besoins implicites) ne correspond pas uniquement à une posture « sociale » car il faut être en capacité de gérer son temps et de définir des priorités contextuelles. En fait, l’adaptabilité comportementale est au service de la souplesse stratégique.
Par exemple, en cas de gestion de crise et d’urgence, le leader doit pouvoir passer d’un mode participatif et collaboratif à un mode directif rapidement pour s’adapter au contexte.
Dans le cas d’un changement, tout est question de tempo. Le dirigeant doit savoir discerner quand c’est le temps de l’écoute, le temps de rassurer mais aussi quand il faut stimuler, motiver voir quand il faut imposer et stopper la négociation. Si un comportement est adopté au mauvais moment, le pilotage du changement peut échouer.
Il n’y a pas de recette magique ou une seule façon de faire ; ce serait trop simple !
En revanche, plus un manager va demander et pratiquer le feedback dans une logique 360, plus il va apprendre à se mettre en position « méta » pour se corriger et s’améliorer. Donner et recevoir des retours de sa hiérarchie, de ses pairs et de ses collaborateurs permet de grandir plus vite.
Bien évidemment, se former à la communication authentique et à l’assertivité aide à mieux s’exprimer. Suivre des parcours de développement personnel, avoir des clés de lecture pour mieux se connaitre et mieux comprendre les autres est un facteur clé. Avoir davantage conscience de soi, de ses émotions permet de mieux se gérer et d’interpréter ce qui se joue pour l’autre. S’entrainer à réagir en changeant un ou deux paramètres est aussi un facteur de progrès. C’est une façon de pratiquer l’analyse contextuelle avant de basculer dans la communication adaptative. Chez Inspirations Management, nous faisons cela au cours de nos formations à l’aide de mises en situations avec des persona créés en co-construction avec nos clients pour véritablement s’adapter aux contextes spécifiques de l’entreprise. C’est ainsi que se perçoit la qualité adaptative de chacun.
En coaching, nous « bousculons » (avec bienveillance 😊) nos coachés pour les aider à analyser plus finement les situations et à envisager les conséquences des différentes actions managériales possibles avant de les laisser prendre leurs décisions en toute intelligence de situation. Il s’agit de les entrainer à une pratique réflexive pour qu’ils continuent à le faire en autonomie dès leur retour au poste de travail. La supervision est également un excellent moyen de s’améliorer.
La pratique du codéveloppement aide aussi une communauté à prendre cette hauteur nécessaire. En travaillant sur les cas de leurs pairs, chacun progresse sur ses propres pratiques et améliore sa capacité d’analyse en intelligence de situation.
S’exposer à des environnements variés permet aussi aux dirigeants et managers de travailler leur agilité cognitive, sociale en pratiquant la diversité des expériences managériales. Une façon simple de le pratiquer, sans forcément changer de travail, est de mettre en place des « vis ma vie » au sein de l’entreprise tout entière ou d’un service. C’est fou comme cela ouvre les esprits !
Des décisions peuvent être prises et assumées car un changement de situation l’exige ! Ce qui peut être vrai, mais la nouvelle décision doit alors pouvoir être expliquée simplement et rationnellement. Si les explications sont floues, c’est que les virages pris viennent d’un manque ou d’un défaut d’analyse. Il ne faut pas confondre opportunisme ou absence de vision avec l’intelligence situationnelle !
Il ne faut pas non plus basculer dans la manipulation ou l’instrumentalisation des situations. Pour pratiquer la véritable agilité situationnelle, une base éthique forte est nécessaire pour qu’elle reste une force au service du collectif.
L’intelligence situationnelle est une compétence clé et stratégique pour diriger et manager. Chacun doit impérativement développer cette compétence pour un management plus efficient et qui s’adapte aux collaborateurs de l’entreprise.
Sans oublier qu’il est plus facile d’être efficace en matière d’intelligence situationnelle quand on s’appuie sur le collectif qui va pouvoir brainstormer et faire de l’intelligence collective pour nourrir les bonnes décisions ! Gardons le lead humain sur l’intelligence situationnelle pour décider en toute connaissance de cause.
Qu’en dites-vous ? 😊