
Dans le monde des forces spéciales, la solidarité prime sur la mission. Si une situation devient incontrôlable, la règle est claire : repli immédiat. On renonce à l’opération plutôt que de risquer une vie. L’échec n’est pas une faute : c’est une preuve de lucidité et de responsabilité.
Dans l’entreprise, combien de dirigeants ou de managers persistent dans un projet simplement parce qu’il serait “trop tard pour reculer” ? Persister pour ne pas reconnaître qu’on s’est trompé conduit souvent à des pertes bien plus lourdes : temps, argent, énergie, motivation, crédibilité.
Les forces spéciales appliquent une méthodologie “Stop or Go” : à chaque étape, on évalue la faisabilité réelle. Si le scénario n’est pas bien préparé, on arrête. On réalloue les ressources ailleurs.
Cette logique pourrait inspirer un principe simple : savoir stopper un projet à temps, ce n’est pas échouer, c’est piloter. C’est aussi cela, le droit à l’erreur : reconnaître qu’un choix n’était pas le bon, et préserver la sécurité – psychologique, humaine et stratégique – de l’équipe.
Les forces spéciales investissent massivement dans la préparation : simulation, répétition, anticipation des imprévus. Elles utilisent la méthode What-If : “Que se passerait-il si… ?” Chaque scénario est testé pour identifier les zones de risque, les limites, les options de repli.Dans les entreprises, la préparation reste souvent l’angle mort. On lance un projet, puis on ajuste “en vol”. Or, la performance durable demande aussi des espaces d’entraînement, d’essais-erreurs et de capitalisation.
“La sueur à l’instruction évite le sang au combat.” Cette maxime illustre parfaitement la relation saine à l’erreur : mieux vaut échouer à l’entraînement qu’échouer sur le terrain. Les dirigeants les plus lucides sont ceux qui créent des environnements d’apprentissage, où l’expérimentation est permise et le feedback valorisé.
Dans les forces spéciales, le droit à l’erreur existe, mais il s’accompagne d’un haut niveau d’exigence. L’erreur n’est jamais ni banalisée ni cachée ; elle est observée, comprise, partagée. Trois principes structurent cette culture :
Les forces spéciales bousculent aussi notre vision du leadership. Sur le terrain, le chef peut céder temporairement le commandement à celui qui a la meilleure lecture de la situation. Le leadership y est situationnel, fluide et basé sur la compétence du moment.
Dans l’entreprise, cela rappelle que le dirigeant n’est pas celui qui a toujours raison, mais celui qui fait émerger la meilleure décision collective. Admettre une faiblesse ou une erreur ne diminue pas la légitimité d’un leader ; au contraire, cela renforce la confiance et ouvre un espace d’intelligence partagée.
Dans les forces spéciales comme dans les organisations performantes, l’erreur n’est jamais une fin. Elle est un signal d’apprentissage. Le droit à l’erreur, compris dans ce sens, devient un outil stratégique : il protège les personnes, renforce la solidarité et permet de redéployer l’énergie vers ce qui compte vraiment. “Fail fast, learn faster.”
Mais au-delà des principes, une question s’impose : Ce droit à l’erreur est-il réellement incarné dans vos équipes ? Comment, en tant que dirigeant, montrez-vous l’exemple ? À quelle occasion vos collaborateurs ont-ils vu que l’erreur pouvait être reconnue, partagée et source d’apprentissage ?
Car dans la plupart des organisations, tout le monde adhère à l’idée… mais peu la vivent vraiment. Or, dans un monde complexe, le courage d’arrêter, d’écouter et de corriger vaut mieux que l’illusion de tout maîtriser. C’est ce courage qui fait les organisations vraiment fortes.