Comment s’affirmer en tant que manager sans blesser ?

Être manager, c’est motiver, engager, faire monter en compétences, et c’est aussi devoir dire les choses : faire un recadrage, poser des limites, exprimer un désaccord. Mais comment s’affirmer sans froisser, braquer ou démotiver ses collaborateurs ? La limite entre fermeté et bienveillance est souvent fine et tenue, mais c’est une question qui se pose à tout manager. Dans un contexte où les attentes de reconnaissance et de respect sont fortes, savoir affirmer sa position sans blesser est une compétence relationnelle essentielle.
Dire les choses avec fermeté sans blesser
L’affirmation de soi sans abimer la qualité de la relation

S’affirmer, ce n’est pas s’imposer

Trop souvent, on confond l’affirmation de soi avec de l’autorité, voire de l’agressivité. Pourtant, s’affirmer, ce n’est pas hausser le ton ou s’imposer à tout prix, c’est apprendre à se faire comprendre

C’est avant tout exprimer clairement ses besoins, ses opinions ou ses décisions, sans chercher à dominer ni à blesser. S’affirmer passe par connaître sa place dans la relation professionnelle et la prendre. Cela demande d’assumer son rôle de manager tout en faisant attention de ne pas écraser l’autre.

À l’inverse, ne pas s’affirmer, c’est trop souvent :

  • Laisser traîner un désaccord pour éviter la confrontation,
  • Contourner un sujet difficile,
  • Faire à la place d’un collaborateur pour aller plus vite…

Sur le moment, cela semble plus confortable. Mais à long terme, ces non-dits nourrissent la confusion, les malentendus et la frustration, de part et d’autre.

Illustration : l’exemple de Julie face à des retards de travail répétés d’un membre de son équipe

Julie, manager d’une équipe marketing, remarque que Léo, un collaborateur très créatif, ne respecte pas toujours les délais convenus. Cela impacte le reste de l’équipe, notamment la planification des publications sur les réseaux sociaux.

Lors d’un point hebdo, Julie prend la parole calmement :

« Léo, je veux revenir sur le livrable de la campagne X. Il a été finalisé avec trois jours de retard. Ça a mis en difficulté l’équipe pour la validation finale. »→ Elle pose un fait observable, sans jugement. Elle passe par le factuel pour exprimer son point de vue 

Puis elle enchaîne :

« Je tiens à dire que j’apprécie la qualité de tes idées. On voit que tu veux bien faire. Mais pour avancer collectivement, j’ai besoin que les délais soient respectés. Est-ce que tu vois comment on peut faire différemment la prochaine fois ? »→ Elle exprime une attente claire, valorise son collaborateur et ouvre l’échange

C’est quoi une phase d’affirmation réussie ?

  • Un cadre clair : le respect des délais
  • Ne pas chercher à “avoir raison” : avoir l’intention de faire progresser l’autre.
  • Valoriser les qualités du collaborateur pour les mettre au cœur de la solution 
  • Inviter au dialogue, pas à la justification : le but est que la situation change et non pas débattre des éléments actuels 

La clé réside dans un positionnement assertif, qui conjugue le respect de soi et celui des autres.

Pourquoi c’est difficile (et pourtant essentiel) pour un manager

S’affirmer en tant que manager n’est pas toujours évident. Plusieurs freins, bien humains, peuvent entraver cette posture :

La peur du conflit : on redoute de “mettre le feu”, de casser la bonne ambiance ou de déclencher une réaction vive.
→ Un manager évite de recadrer un collaborateur qui arrive systématiquement en retard, de peur de “faire des vagues”. Résultat : les autres membres de l’équipe commencent à faire pareil.

Le manque de confiance en soi : cas particulièrement fréquent lorsqu’on prend un poste de manager pour la première fois, lorsqu’on encadre d’anciens collègues, ou qu’il existe une différence d’âge ou d’expérience.
On se dit : “Qui suis-je pour lui dire ça ?” ou “Je ne veux pas passer pour une donneuse de leçons.”

Le besoin d’être apprécié : vouloir plaire à tout prix, éviter de décevoir, être le “manager sympa”.
→On accepte de reporter une deadline ou de dire oui à une demande, même si cela désorganise l’équipe.

Attention, ne pas s’affirmer à un coût

À force de ne pas dire les choses, de contourner les sujets sensibles, on pense préserver la relation… alors qu’on l’abîme peu à peu.

  • Des règles floues s’installent : il n’y a plus de cadre commun clair,
  • Des comportements inadaptés se développent : le manager comme les collaborateurs se sentent frustrés,
  • Des non-dits finissent par exploser : il suffit d’un mot de trop ou d’un ton agacé pour que le conflit enfoui surgisse brutalement.

Un manager qui s’affirme avec justesse est plus clair, plus crédible… et plus soutenant pour son équipe. Le message est mieux compris et accepté par celui qui le reçoit.

Des outils concrets pour s’affirmer sans blesser

S’affirmer sans blesser, ça ne relève pas du talent inné, c’est une compétence qui s’apprend. Quelques ajustements concrets peuvent faire toute la différence dans la relation avec ses collaborateurs, en particulier dans les moments sensibles.

Quelques leviers concrets au service de l’affirmation :

1. Utiliser le “je” plutôt que le “tu” accusateur : 

C’est un réflexe simple mais puissant : parler depuis soi plutôt que de pointer l’autre du doigt.

A FAIRE : « Je constate que le compte-rendu n’est pas encore envoyé. »
A NE PAS FAIRE : « Tu ne rends jamais tes comptes-rendus à temps. »

Cela permet d’exprimer un constat ou un ressenti sans déclencher une posture défensive de son interlocuteur.

2. Décrire des faits plutôt que de faire des jugements : 

Un fait est neutre, observable. Un jugement blesse et enferme.

A FAIRE : « Le rapport n’a pas été transmis »
A NE PAS FAIRE : « Tu es désorganisé »

Cette approche invite à corriger un comportement, pas à remettre en cause la personne.

3. Formuler ses besoins et ses attentes clairement

Tourner autour du pot crée du flou. Dire ce que l’on attend, simplement, directement, permet à l’autre de se positionner.

A FAIRE : « J’ai besoin que ce livrable soit relu par tes soins avant vendredi matin, afin que je puisse le transmettre au client dans les temps. »
A NE PAS FAIRE : « Tu en es où du livrable ? J’en ai besoin pour la suite du projet. »

4. Exprimer un désaccord en respectant l’autre

S’affirmer ne veut pas dire ignorer l’autre. C’est même l’inverse : on peut poser un cadre tout en reconnaissant la vision du collaborateur.

A FAIRE : « Je comprends que tu aies voulu être réactif en répondant directement au client. En même temps, notre processus prévoit une validation avant envoi. Pour la suite, je souhaite qu’on respecte ce passage, quitte à me solliciter rapidement si besoin. »
A NE PAS FAIRE : « Ce n’est pas à toi de répondre aux clients, ne le refait plus. »

Reconnaître sa propre part de responsabilité ou une erreur renforce aussi la crédibilité managériale et empêche tout sentiment d’injustice.

5. Travailler sa posture non verbale

Les mots comptent, mais le ton, le regard, la posture physique parlent tout autant. Au service de l’affirmation, voilà des clés non verbales : 

  • Une voix posée
  • Un regard franc, mais non agressif
  • Une respiration calme

Ces outils renforcent la qualité du dialogue, même sur des sujets sensibles.

Illustration : l’exemple de Fatima face à un collaborateur qui coupe la parole pendant les réunions

Fatima, manager d’équipe, anime une réunion avec plusieurs chefs de projets. Paul, l’un d’eux, l’interrompt fréquemment et remet en question ses décisions devant les autres. L’atmosphère devient tendue, certains collaborateurs n’osent plus prendre la parole.

Fatima choisit de s’affirmer sans blesser.

Elle attend la fin de la réunion pour échanger en tête-à-tête avec Paul. Elle applique les bons leviers :

→ Utiliser le “je” :

« Je me suis sentie déstabilisée par les interruptions pendant la réunion. »
 = Elle parle de son ressenti, sans accuser Paul

→ Décrire un fait, pas une personne :

« J’ai noté que tu as pris la parole cinq fois pendant mes explications, avant que je termine. »

→ Formuler une attente claire :

« J’ai besoin qu’on puisse aller au bout d’un raisonnement avant de réagir. Ça permet de garder un cadre d’échange constructif pour tout le monde. »

→ Respecter la vision de l’autre :

« Je comprends que tu veuilles défendre ton point de vue, et tes remarques sont souvent pertinentes. Ce que je te propose, c’est de prendre un temps de débat dédié à la fin de chaque sujet pour permettre à chacun de s’exprimer sans se couper la parole »

→ Posture non verbale :

Voix calme, ton posé, respiration stable, regard direct mais bienveillant.

Affirmer sa position… tout en préservant la qualité de la relation

L’objectif n’est pas seulement de « dire les choses » pour vider son sac ou trancher un sujet. C’est aussi de conserver une relation de qualité dans la durée. Pour ce faire, ce qui compte c’est la manière de le faire.

Un manager qui s’affirme ne cherche pas à avoir raison, mais à rétablir un cadre clair tout en maintenant la confiance.

1. Écouter activement l’autre, même quand on n’est pas d’accord

Quand un collaborateur réagit, exprime une émotion ou un désaccord, l’écoute active reste essentielle. Il s’agit alors de verbaliser cette écoute en reformulant pour montrer qu’on prend en compte tout ce qui a été dit : 

« Je comprends que tu aies été surpris par ma remarque. Ce n’était pas l’intention, mais je prends en compte ce que tu me partages. »

2. Rechercher la compréhension mutuelle, plutôt que d’avoir le dernier mot.

Dans un échange tendu, le réflexe peut être de vouloir convaincre ou “avoir le dernier mot”.
 Mais dans une relation de travail, le but n’est pas de gagner, c’est de construire une compréhension mutuelle.

« On ne voit pas les choses de la même manière. Pour autant, j’aimerais qu’on trouve ensemble une façon d’avancer. »

3. Distinguer l’intention de l’effet : 

Ce qu’on dit n’est pas toujours ce qui est entendu. Parfois, l’intention du manager est positive, mais le collaborateur se sent blessé ou déstabilisé.

« Mon intention était de clarifier le fonctionnement, pas de remettre ton travail en cause. Si c’est ce que tu as ressenti, j’en suis désolé. »

Cette capacité à ajuster son message, à reconnaître un malentendu, fait partie intégrante de l’affirmation de soi.

4. Prendre soin du lien, même après un recadrage.

Un recadrage ne doit pas laisser un froid. Cela peut même être l’occasion de réaffirmer la confiance, l’estime et la volonté de collaboration.

« Je reste confiant dans ta capacité à gérer ce dossier. Mon objectif est de te voir réussir, pas de te freiner. »

L’affirmation de soi ne détruit pas la relation… au contraire, elle la rend plus solide si elle est bien menée.

Se former pour s’exercer dans un cadre bienveillant

Comme toute compétence relationnelle, l’affirmation de soi se développe plus facilement quand on développe la connaissance de soi, de son fonctionnement et de celui des autres. C’est tout l’intérêt des divers accompagnements managériaux proposés.

1. Des formations en management

Nos formations managériales sont animées par des consultants à la double expertise : ils ont été managers et ils sont spécialistes des pédagogies actives et participatives. Ils proposent des parcours incluant des mises en situation, des jeux de rôle suivis de feedbacks. Cela permet de s’exercer à dire les choses avec clarté, de tester différentes postures, d’anticiper les réactions possibles dans des situations complexes.

Ce type d’entraînement favorise la prise de confiance et donne des repères concrets pour les situations du quotidien.

2. Des coachings individuels

Nos coachings de managers permettent d’apprendre à mieux se connaître pour travailler sur ses freins personnels (peur du conflit, besoin de reconnaissance…), ses automatismes relationnels et ses zones de progression en posture managériale.

Apprendre à s’affirmer, c’est aussi apprendre à créer un climat de confiance, de clarté et de respect.

Conclusion : L’affirmation de soi, un levier de performance et de sérénité

Bien utilisée, l’affirmation de soi n’est pas un rapport de force.
C’est un outil pour clarifier, apaiser, structurer et pacifier.
C’est ce qui permet aux managers de faire avancer les sujets, de gérer les tensions et de créer un cadre clair… sans jamais renoncer à la qualité de la relation.