Et si votre sens critique était votre meilleur atout de manager ?

La hantise des managers est souvent de se laisser happer par des arguments bien tournés ou des informations biaisées. A l’inverse, ils aspirent à adopter une posture affirmée, à être pertinent.e et convaincant.e, à apporter leur pierre à l’édifice en réunion, à montrer leur valeur ajoutée. Pour cela un manager doit pouvoir analyser rapidement ce qui se passe : quelles sont les informations disponibles ? Où veut-on aller ? Quel raisonnement a-t-on adopté ? Être capable de voir s’il y a une faille : nous manque-t-il une information importante ? Nous sommes-nous laissés influencés ? Avons-nous perdu de vue l’objectif ? Quels sont les écueils qui nous empêchent d’exercer notre sens critique au travail et comment s’exercer pour gagner en pertinence et en efficacité ?

Pourquoi est-ce si difficile d’exercer son sens critique au travail ?

Plusieurs facteurs influent sur sa capacité à exercer son esprit critique :

• Le manque de temps – Les managers doivent trancher vite. Or, développer un esprit critique demande un minimum de recul, ce qui semble souvent impossible dans le feu de l’action.
• La pression hiérarchique – Remettre en question une information venant d’un supérieur peut être délicat. Par peur de contredire, le collaborateur peut valider sans vérifier ou sans oser contredire.
• Les biais – Nous sommes tous influencés par des biais inconscients qui affectent notre jugement. Trois des plus courants chez les managers sont :
  • Le biais de confirmation : on privilégie les informations qui confirment ce qu’on croit déjà.
  • Le biais d’autorité : on accorde plus de crédit aux idées venant d’un supérieur, sans les remettre en cause.
  • Le biais du statu quo : on préfère ne pas remettre en question ce qui semble fonctionner depuis longtemps.
• Nos peurs individuelles – Elles jouent un rôle majeur dans notre capacité à exercer notre sens critique. La peur d’être rejeté.e, d’être perçu.e comme incompétent.e ou même d’être humilié.e peut nous pousser à nous taire, à éviter de questionner ou de contredire une idée pourtant bancale. Par crainte du regard des autres ou d’être remis.e à sa place, nous préférons suivre le mouvement plutôt que de risquer de déranger, quitte à étouffer nos doutes et à laisser passer des décisions discutables.

Pourquoi le sens critique est-il un superpouvoir managérial ?

La pensée critique a des vertus importantes pour un manager : 

• Un leadership plus affirmé et légitime – Imaginez un manager avec un bon esprit critique : il/elle prend des décisions réfléchies et assumées. Il/elle gagne en crédibilité auprès de son équipe et de sa hiérarchie. Plus besoin de s’appuyer uniquement sur son autorité : on suit ses décisions parce qu’elles sont pertinentes, pas juste parce qu’il/elle est le/la chef.

Autrement dit, le manager gagne une posture plus solide et respectée, et plus d’impact et d’influence dans l’organisation.

• De meilleures décisions, plus justes et efficaces – Un bon sens critique permet d’analyser une situation sous plusieurs angles, d’anticiper les conséquences et d’éviter les pièges des décisions impulsives ou biaisées. Résultat : moins d’erreurs et de mauvaises surprises, les choix sont plus stratégiques et pertinents. Par conséquent, ces meilleurs choix permettront à l’équipe et à l’entreprise de gagner en productivité.
• Moins de stress et plus de confiance en soi – Douter de décisions prises ou revenir en arrière génère du stress. En affinant son sens critique, le manager développe une meilleure capacité à évaluer les situations rapidement et sereinement. Il gagne en assurance et ressens moins la pression du doute permanent. Cette confiance en soi acquise par l’expérience apportera plus de sérénité face aux décisions complexes.
• Une équipe plus autonome et engagée – Un manager qui exerce son sens critique encourage son équipe à faire de même. Il favorise un climat où les idées sont challengées intelligemment, où les décisions sont plus collectives et où chacun se sent impliqué. A terme, l’équipe devient plus proactive, elle prend des initiatives. Ce gain de temps est source de performance d’équipe.
• Une meilleure capacité d’adaptation et d’innovation – Enfin, la pensée critique aide à challenger le statu quo et à explorer d’autres options. Un manager qui sait questionner et envisager plusieurs scénarios est plus agile face aux changements et aux imprévus, et plus apte à innover ou trouver des solutions originales.

Leadership, efficacité, confiance, engagement et innovation : le sens critique, dans nos vies managériales d’aujourd’hui, n’est pas un luxe, c’est une compétence indispensable !

Comment affûter son sens critique ?

Voici les 3 piliers à intégrer pour affûter son sens critique. 

1. Oser ralentir une fraction de seconde

Prendre conscience de ses biais est LA première étape. Pour cela, les managers peuvent noter pendant une semaine les décisions prises sous pression et analyser après coup ce qui a influencé leur choix. Il peuvent se poser les questions suivantes : 

• Dans quelles situations suis-je le/la plus influencé.e par mes automatismes ?
• Suis-je influencé.e par mon intuition plutôt que par des faits ? (Biais de confirmation)
• Ai-je pris en compte toutes les options ou juste celles qui m’arrangent ? (Biais d’ancrage)
• Ai-je suffisamment de recul ou est-ce une décision émotionnelle ? (Biais d’excès de confiance)

2. Poser une question de plus

Un bon sens critique repose sur un bon questionnement. Avant de prendre une décision, se demander :

• Sur quoi repose cette information ? (Quelle source, quelle méthode d’analyse…)
• Ai-je tous les éléments pour décider ?
• Quelles sont les alternatives ?
• Que cherche-t-on à atteindre ?
• Quelle demande sous-jacente se cache derrière la demande formulée ?

Ces 5 questions puissantes aident à prendre du recul rapidement sur la situation.

3. Chercher une alternative 

Il existe des outils qui aident à structurer sa pensée et à élargir ses perspectives, en voici 2 parmi les plus efficaces et les plus faciles à utiliser :

• Les Six Chapeaux de Bono

Cet outil permet d’analyser une situation sous plusieurs angles, et ainsi d’identifier de nouvelles solutions en changeant de point de vue. Comment ça marche ? Chaque membre du groupe adopte un « chapeau » correspondant à un mode de pensée :

🎩 Blanc → Les faits et les données
🎩 Rouge → L’intuition et les émotions
🎩 Noir → Les risques et les critiques
🎩 Jaune → Les opportunités et le positif
🎩 Vert → La créativité et les alternatives
🎩 Bleu → La structuration et la synthèse

Cet outil peut s’utiliser seul également, en endossant virtuellement à tour de rôle chacun des chapeaux pour se challenger à titre individuel.

• Le « Think like a competitor »

Cet outil permet de se forcer à envisager un problème sous un angle opposé.
Comment ça marche ?  La personne imagine être un concurrent ou un sceptique de sa propre décision. 

Il liste toutes les objections et critiques qu’un « procureur » pourrait formuler.

Il réfute ses arguments ou ajuste son plan en conséquence.

Cet outil développe la pensée stratégique et évite les angles morts.

Prendre de meilleures décisions, gagner en leadership, inspirer la confiance de son équipe… en résumé, aiguiser son sens critique, c’est devenir un manager plus efficace, plus respecté, et plus serein. Ce n’est pas une compétence « bonus », c’est une arme redoutable pour réussir dans un monde complexe et en perpétuel changement.

C’est le meilleur moyen de progresser est de s’entraîner à décider dans un cadre sécurisé. La prochaine fois que vous devrez prendre une décision importante, osez ralentir une fraction de seconde, posez-vous une question de plus, cherchez des alternatives.

Alors, quel petit pas choisissez-vous de faire aujourd’hui pour aiguiser votre sens critique managérial ?